L’Utende, cet art chanté ou parlé qui place l’humain au centre des considérations, persiste toujours à Mayotte.
Si le paysage musical mahorais s’avère bien souvent morcelé par des influences diverses, avec à l’occasion quelques bribes réminiscentes d’une culture locale aussi riche que peu représentée, il est une discipline, une forme d’art qui fait honneur à l’art de vivre à la mahoraise : l’Utende, un art oratoire traditionnel, qu’il soit chanté ou parlé, qui marquait autrefois les grandes étapes de la vie d’un mahorais. Retour sur un élément de culture mahoraise encore bien vivant dans l’île au lagon.
L’humain au centre de tout, voilà en quoi consiste, sur le fond, l’art de l’Utende. Qu’il soit chanté, parlé, accompagné ou non d’instruments de musique, l’Utende suit le cours de la vie mahoraise. Déclamé dans les mariages pour vanter les mérites du marié, décliné dans les meetings politiques ou encore utilisé au cours des veillées le temps d’un moment de poésie, l’Utende prenait toute sa place dans la Mayotte d’avant.
L’humain d’abord
Un temps d’échange et de rassemblement intergénérationnel qui aujourd’hui, n’a plus tant d’écho que par le passé, rendu complexe par la vie moderne et ses affres, le travail et ses horaires, le recul des traditions… Pourtant l’Utende, semblable à l’un des derniers bastions d’une culture locale qui, comme souvent, s’effrite au gré de la mondialisation et de la modernité, existe toujours bel et bien.
A Mayotte, c’est le musicien El Had Dhalani qui représente le mieux cet art oratoire oublié des nouvelles générations. Mahorais d’origine et fièrement accroché à ses traditions, le leader du groupe L-Had nous faisait découvrir en 2017 un premier album intitulé « Utende Héritages ». Fort de s’approprier son propre patrimoine culturel pour le revisiter, l’artiste semble résolument engagé à faire rayonner cette pratique qui relie plusieurs générations, et dont les plus jeunes ne sont pas nécessairement au fait.
Un art à transmettre
Pourtant, l’Utende est un art qui s’impose comme une transition entre plusieurs mondes. C’est à cet effet et dans le paysage éducatif musical qu’on connaît à Mayotte, qu’El Had Dhalani nourrit l’ambition de créer une école d’Utende, un lieu de référence pour cette pratique.
Une initiative qui permettrait autant la préservation d’un patrimoine trop peu mis en valeur, que la transmission de principes de communication et de dialogue : et si l’Utende pouvait contribuer à renouer les liens intergénérationnels ? Le musicien rêve que la jeunesse se réapproprie la discipline, et ce à une heure où la violence est toujours bien implantée dans le 101ème département. Et si la lutte contre le désœuvrement et ses débordements inhérents passait par l’apprentissage, autant celui de l’art que de la tradition ? A méditer…
Un article de Mathieu Janvier, à retrouver dans le France Mayotte matin du lundi 4 janvier 2021.