Quels sont les caractéristiques et défis de Mayotte ? Qu’en est-il de la situation géopolitique et sécuritaire ? Quels sont les potentiels et risques écologiques ? Une visioconférence organisée par Diploweb.com et la Prépa Blomet (Paris) en partenariat avec le Centre géopolitique, a tenté de répondre à ces questions grâce à deux invités par visioconférence : Jean-Baptiste Constant et le colonel Thomas Labouche. Si le militaire reste relativement juste et mesuré mais souvent incompétent pour répondre, l’ancien directeur de cabinet du préfet tient pour sa part des propos révoltants qui ne peuvent pas être passés sous silence.
De prime abord, cette vidéo à la diffusion très limitée ne mérite pas qu’on s’y attarde, le web regorgeant de vidéos parlant de tout et de rien de manière plus ou moins sérieuse. Mais cette conférence a ça de particulier qu’elle donne la parole à deux fonctionnaires qui sont passés par Mayotte et qui sont présentés comme des fins connaisseurs du territoire : le Colonel Thomas Labouche qui a occupé le commandement du DLEM détachement de la légion étrangère de Mayotte de 2017 à 2019 et Jean-Baptiste Constant, Directeur de cabinet du préfet d’Octobre 2019 à mai 2020. Surprenant lorsque l’on sait que ce dernier a davantage brillé par son inconstance, son manque de maîtrise des sujets et ses absences, que par son efficacité sur le terrain. Il a d’ailleurs quitté ses fonctions prématurément pour des raisons personnelles laissant le poste de directeur de cabinet vacant. Dans les faits, cela faisait plusieurs semaines qu’il n’était plus sur le territoire.
Il faut dire que dès le départ, le fonctionnaire est apparu incompatible avec la fonction. À peine arrivée, il faisait face à la colère des parents d’élèves en Petite Terre suite à un énième épisode de violence aux abords des établissements et notamment du collège Zena Mdéré. Joint par téléphone au lendemain d’une réunion houleuse, son compte rendu était pour le moins surprenant, le directeur de cabinet se plaignant de l’accueil reçu tout en suggérant que ces parents qui manifestaient étaient sans doute eux mêmes des parents de délinquants. Car selon Mr Constant, trois choses l’ont marqué sur cette île. D’abord, « Mayotte c’est l’Afrique, ce n’est pas raciste quand je dis ça. Mayotte c’est des villages, c’est des clans comme en Afrique. » Le fait même de se justifier que cela n’est pas raciste en dit long sur la manière de penser du personnage, à qui on a dû omettre de préciser avant sa mutation que Mayotte c’est avant tout la France, depuis 1841 ! Aurait-il dit que La Guyane c’est l’Amérique du Sud pour rapprocher le territoire du continent où il se trouve ? Sans doute pas, car le terme d’Afrique revêt une connotation particulière dans son esprit.
On le comprend très vite lorsqu’il poursuit. Car selon Mr Constant, «Mayotte c’est l’Islam, c’est 300 mosquées et 300 écoles coraniques. Tous les matins et tous les soirs les enfants vont à l’école coranique. Donc vous avez un double enseignement.» À en croire Jean-Baptiste Constant, 300 écoles coraniques accueillent les 100 000 élèves de l’île et l’éducation nationale est en quelque sorte un complément de l’apprentissage religieux. Dans les faits, les enseignements religieux ne cessent de perdre de leur influence. Les crimes commis ces derniers jours en plein mois sacré de ramadan, montrent que certains jeunes n’ont ni foi ni loi et ne connaissent en rien les valeurs de l’Islam, bien au contraire. L’ancien directeur de cabinet retient d’ailleurs la violence et la pauvreté qui font partie intégrante de Mayotte : « C’est très violent pour un métropolitain. Ils faisaient des combats de rue, dans chaque village vous aviez un chef de village et un chef religieux. Cette violence est ancrée dans le peuple mahorais […] En 6 mois, je n’ai pas pu faire une balade tout seul, vous êtes braqués par des enfants qui crèvent de faim. »
C’est très violent pour un métropolitain ? Ça l’est donc moins pour un mahorais qui est violent par nature ? Comment un fonctionnaire peut-il tenir de tels propos! Dès le début de la conférence il est bien précisé que les deux protagonistes ne parlent pas au nom de leur institution mais en leur nom propre. Sauf que cet homme travaille aujourd’hui encore dans une préfecture de police, à Paris. Il devrait sans doute se rendre davantage sur le terrain pour comprendre que la violence n’est pas propre à Mayotte et que la capitale et sa région sont également minées par ce fléau. À l’heure, de conclure son intervention, l’ancien directeur de cabinet lance ces quelques mots pour justifier que selon lui Mayotte n’était pas prête à la modernité, comme l’Afrique n’y est sans doute pas prête dans son esprit : « L’image de Mayotte que je garde c’est la vieille mahoraise qui est vraiment habillée à l’africaine mais qui a un iPhone 4 dans les mains. » Habiller à l’africaine ? Qu’est ce que cela signifie. Tous les africains s’habillent de façon similaire, du Magrheb à l’Afrique du Sud en passant par l’Afrique centrale ? Si dans les pays occidentaux, la manière de s’habiller s’est uniformisée, ce n’est pas le cas dans beaucoup de pays d’Afrique où les tenues traditionnelles sont encore largement portées et n’ont rien à voir d’un pays à l’autre.
Au delà du fait que J-B Constant semble clairement mettre une distance entre la France et le 101ème département, ses propos sont souvent inexacts, parfois outranciers, et toujours blessants. Pour ceux qui découvrent cette vidéo, cela renvoie une image très loin de ce qu’est Mayotte, à savoir une île extraordinaire, tant par ses richesses, sa culture, son histoire que par la chaleur de sa population locale. Certes les problèmes existent, mais ce n’est pas en mutant ce type de fonctionnaire que l’île pourra s’en sortir. Non vraiment Mr Constant, vous avez bien fait de partir de vous même. Et de grâce, évitez de vous sentir légitime pour parler d’un territoire dont vous ne connaissez rien. Mayotte n’a pas besoin de vous ni de tous ceux dans votre genre.
Pierre Bellusci
Article diffusé dans France Mayotte matin Mardi 20 avril 2021