14h :
Ce devait être un mercredi comme tous les autres au Tribunal de grande instance de Mamoudzou. Comme souvent, ce jour est réservé aux audiences du tribunal correctionnel. Ainsi, hier, aux alentours de 8h, le président du tribunal a listé les affaires qui devront être jugées ce jour-là. « Emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail, vols par effraction, abus de confiance » ou encore « tentative d’escroquerie ».
Alors qu’un prévenu, incarcéré à Majicavo, doit être jugé, le président du tribunal lui demande alors s’il a un avocat. « Non », répond l’homme à la barre. C’est à partir de ce moment-là que la séquence prend une tournure différente. Le juge demande si un avocat présent pourrait assurer la défense du prévenu alors que le président est effectivement en droit de nommer un avocat commis d’office le jour de l’audience. En réponse : un grand silence et des avocats qui se regardent timidement. De-là, une avocate prend la parole et rappelle alors le contexte : la grève des avocats depuis le début du mois de juillet les pousse à ne plus accepter de dossiers commis d’office jusqu’à nouvel ordre. L’audience est alors suspendue par le président.
« Se prémunir de toute rupture du principe d’égalité »
Au retour du président et de ses assesseurs, ce dernier fait une annonce qui en surprend plus d’un : « Le tribunal constate la poursuite du mouvement de grève du barreau de Mayotte empêchant de juger les prévenus bénéficiaires de l’aide juridictionnelle. Au regard de la situation ainsi créée, le tribunal, souhaitant se prémunir contre toute rupture du principe d’égalité entre les parties appelées à l’audience correctionnelle de ce jour, décide de renvoyer toutes les affaires inscrites au rôle. »
Dans la salle, l’incompréhension règne, que ce soit du côté des prévenus, des victimes, ou encore des avocats. « Ce qui est surprenant c’est que nous sommes en grève car nous considérons que nous ne sommes pas payés pour nos missions quand on est commis d’office. On a l’impression que l’on peut quand même défendre les gens qui sont hors du cadre de la commission d’office, donc qui sont à l’aide juridictionnelle ou qui ont les moyens de nous payer, et en fait le président estime qu’il y a une rupture d’égalité entre les riches et les pauvres. C’est ça le message qu’il a voulu faire passer. Mais ça pénalise encore plus de personnes, les prévenus qui sont présents, qui ne demandent pas d’avocat ou les prévenus assistés mais également les victimes », indique Maitre Baudry à la sortie de la salle d’audience.
Des pourparlers engagés pour stopper la grève
Du côté du Parquet, Chloé Chérel, substitut du Procureur, explique : « Je ne peux que regretter un renvoi total d’audience même si les motifs, je peux les comprendre. Lorsque vous avez des justiciables dans la salle, certains assistés de leur Conseil, les faire se déplacer à nouveau devant le tribunal dans quelques mois pour certains je le regrette. » Quant aux conséquences de la grève des avocats, elles sont importantes. « Cela nous amène à des renvois pour les comparutions immédiates car le prévenu doit être jugé avec son accord, en présence de son avocat. Ca nous amène à des mineurs qui sont déferrés sans avocat et cela nous amène aussi à ne plus pouvoir faire des comparutions sur re- connaissance préalable de culpabilité avec un déferrement par exemple », ajoute la substitut du procureur.
Du côté des avocats, Maitre Baudry a annoncé que la grève continuait mais « nous sommes en pourparlers avec la juridiction pour trouver des solutions. Nous aussi on veut que la grève s’arrête », indique-t-elle.