Au tribunal judiciaire de Mamoudzou hier matin, une mère de famille de Sada était à la barre pour avoir abandonné son bébé sous un cocotier.
Quelle que soit l’époque et quel que soit le continent, l’image biblique du petit Moïse semble transcender les frontières… Cette fois ce n’était pas Moïse mais Elad qui se retrouvait livré à lui même. Point de roseaux mais un cocotier pour seul abri… Les faits remontent au 17 juillet 2019 et se déroulaient à Sada. Alors, l’oncle de l’enfant rentre des champs, et découvre l’enfant de 6 mois à même le sol devant chez lui, seul, en pleurs et souffrant de malnutrition.
Il tente de téléphoner au père, qui lui répond qu’il est occupé avec des problèmes administratifs. L’enfant est alors emmené à la gendarmerie, et les deux parents sont mis en cause. Pourtant, seule la mère (D.M.) était présente hier au tribunal.
Une situation familiale insolite
Il sera alors expliqué que l’enfant est né d’une mère comorienne, et d’un père doté d’un titre de séjour. Un père polygame, qui s’éprend de la mère et la fait venir des Comores en kwassa en 2017. Mais l’enfant n’est pas accepté par la seconde épouse du mari. Dans ses déclarations préalables, le père expliquait « J’ai eu dans l’idée de prendre l’enfant mais je savais que ma deuxième femme n’allait pas être d’accord ».
Lorsqu’il était demandé au père s’il était prêt à prendre en charge l’enfant, celui-ci répondait qu’il était prêt à faire les courses mais que c’était impossible pour lui de le garder ». Outre cette véritable leçon de parentalité, la mère déclarait à la barre que « lorsqu’il venait à la maison, il voulait d’abord coucher avec moi avant de faire quoique ce soit pour l’enfant. Quand j’étais enceinte, il me frappait et me tirait les cheveux. Il ne faisait pas sa polygamie comme il se doit mais il passait du temps chez moi ».
« Elle n’a pas voulu le prendre alors j’ai posé mon enfant par terre et je suis partie »
Puis après une description de péripéties relativement complexes et sans transparence, il est expliqué que la mère décide de confier l’enfant au père, pour un temps du moins. Mais lorsqu’elle l’appelle il est dans un taxi direction Mamoudzou, et D.M. décide de l’amener à la sœur du père. Elle expliquera que celle-ci n’a pas voulu prendre Elad : « Elle n’a pas voulu le prendre alors j’ai posé mon enfant par terre et je suis partie ».
Elle dira pourtant à la barre, au gré d’une communication compliquée avec le traducteur, qu’elle a remis le bébé à la sœur, dans la maison.
Lorsqu’on lui demandera, elle expliquera qu’elle souhaite récupérer son enfant. Pourtant, elle n’a pris aucune nouvelle d’Elad depuis qu’il est placé en famille d’accueil, c’est à dire depuis plusieurs mois déjà. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que de tels faits se déroulaient : il est expliqué qu’auparavant, l’enfant avait été laissé seul plusieurs jours durant dans la maison.
« On se demande quand même si le premier enfant n’est pas passé en perte et profit »
L’avocat de la partie civile M’lézi Maoré demandera 5000 euros de dommages et intérêts en se basant sur une jurisprudence datée de 2015. Le procureur, dans ses réquisitions,évoquera la deuxième fille de D.M., plus jeune, et questionnera : « On se demande quand même si le premier enfant n’est pas passé en perte et profit ». Il demandera 6 mois avec sursis pour les deux prévenus, et soulignera sa volonté de donner une chance à D.M. de retrouver son enfant, pour « que la vie se rétablisse ». Finalement, la relaxe sera au rendez-vous au terme de cette affaire. Espérons que la vie puisse finalement se rétablir…
Un article de Mathieu Janvier, à retrouver dans le France Mayotte matin du jeudi 21 janvier 2021.