novembre 05, 2024

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« Les grands élus de Mayotte parlent d’une même voix à Paris » déclare le Président Ben Issa Ousseni

Ben Issa Ousseni, président du Conseil Départemental, revient d’une séquence de rendez-vous importants en métropole. Invité de la Matinale de Kwezi, il a répondu à plusieurs questions concernant l’avenir de Mayotte

France Mayotte Matin : Quelles sont les grandes annonces que vous pouvez nous faire sur la mobilité ?
Ben Issa Ousseni : Nous connaissons des difficultés. Aujourd’hui, il faut trouver une solution pour désengorger Mamoudzou, mais pas que Mamoudzou. Certaines zones commencent à connaître des difficultés, on peut parler de Combani. Nous avons mené un travail avec le ministre du Transport sur la problématique de la mobilité, dans son ensemble, terrestre, maritime et aérien. Nous lui avons présenté la vision du territoire, notamment par le développement des navettes maritimes, parce que nous croyons fermement que le futur proche c’est plutôt les navettes maritimes, peut-être à plus long terme, on va penser au transport par câble. Aujourd’hui, c’est de travailler sur tout ce qui est une navette maritime partant de Dzaoudzi, Mamoudzou pour aller plutôt vers le nord et le sud. Ce travail là, nous devons le faire l’ensemble des intercommunalités, notamment la Cadema.

FMM : Au 1er janvier 2023, il devait y avoir une navette pour les poids lourds entre les deux îles, 11 mois après toujours rien, pourquoi ?
BIO : C’était l’ambition qui était affichée. Je n’avais pas forcément donné d’échéance. Il convient, aujourd’hui, de retravailler le sujet pour trouver un lieu adapté. Le travail était de partir directement du port de Longoni. Il faut sortir le poids lourd de la route Longoni-Mamoudzou. Il faut réorganiser, vous connaissez les contraintes. Il faut que tout soit mis ensemble. L’objectif est de le faire pendant ce mandat-là. Je suis convaincu que l’on peut y arriver. Il faut aussi travailler le prochain contrat de convergence (CCT) pour que le sujet transport puisse être placé au centre pour les financements.

FMM : Est-ce que la piste longue on va l’avoir enfin ?
BIO : 
Nous avons eu des engagements, d’ici la fin de l’année nous aurons les résultats des études qui ont été lancées, que ce soit en Petite-Terre ou en Grande-Terre, même si défricher 300 ou 400 hectares de forêt pour faire une nouvelle piste peut causer des soucis pour un territoire aussi étroit que le nôtre. Je souhaite une piste longue dans les meilleurs délais. Logiquement, à partir de l’année prochaine, nous passerons à une autre phase plus opérationnelle.
Le député Mansour Kamardine ne rate jamais l’occasion de rappeler aux autorités, au Président de la République, la nécessité d’une piste longue dans les meilleurs délais.

FMM : Est-ce que Bruno Lemaire est d’accord pour dire que le chiffre du recensement est mauvais ?
BIO : Il s’inscrit dans la logique de fiabiliser les chiffres que l’on a aujourd’hui, de mettre plus en concordance les résultats annoncés par l’INSEE et les statistiques des autres institutions, notamment la Chambre régionale des comptes, les douanes, les impôts. On ne peut pas construire une politique publique sans connaître le nombre exact d’habitants, la démographie exacte d’un territoire. Nous parlons des problèmes d’eau à Mayotte, mais encore faut-il savoir pour combien de personnes nous voulons résoudre ce problème. J’espère que le travail sera mené en 2024. Il a aussi pris l’engagement de venir très prochainement à Mayotte pour s’imprégner de la situation.

FMM : Il manque de l’argent dans les caisses du CD et notamment des compensations de l’État. On dit que vous avez obtenus des dotations, qu’en est-il et pourquoi ?
BIO : Nous avons fait des études, des analyses de la situation du département. Il ne s’agissait pas de dire que le département est en difficulté. Il s’agissait de démontrer des zones d’activités où les compensations ne sont pas à la hauteur des enjeux du territoire concernant l’aide sociale à l’enfance, le transport scolaire, l’aide aux personnes âgées, la mobilité. Une inspection qui a été menée ici a confirmé nos chiffres et démontre que les compensations de l’État ne sont pas conformes aux dépenses. Aujourd’hui, il y a un début de réponse qui est plutôt favorable, notamment sur la partie d’aide sociale à l’enfance et un peu sur le transport scolaire, mais pas encore tout à fait à la hauteur des dépenses que nous effectuons. On nous parle de 50 millions d’euros pour l’année 2023 pour essentiellement équilibrer l’aide sociale à l’enfance, qui, aujourd’hui, plombe le budget du département. Nous sommes autour de 75 millions d’euros de dépenses pour l’aide sociale à l’enfance en 2023. Il faut accompagner les assistants familiaux. Nous les développons aussi, pas seulement pour les mineurs isolés, mais aussi pour les personnes âgées, qui là, bénéficieraient beaucoup plus aux Mahorais que ce que nous connaissons plutôt sur l’aide sociale à l’enfance. L’État nous accompagne aussi, pas suffisamment, sur la partie transport scolaire, qui aujourd’hui nous coûte autour de 45 millions d’euros, avec jusqu’à présent 1 seul million d’euros d’accompagnement de l’État. Sur cette année 2023, l’accompagnement pourrait aller jusqu’à 10 ou 11 millions d’euros, mais là aussi, il y a encore un fossé entre les 45 millions d’euros dépensés et les 10 ou 11 millions d’euros proposés.

FMM : Que vous a dit le ministre des Finances sur la réforme de l’octroi de mer ?
BIO : Tout l’outre-mer s’inscrit dans la même logique que Mayotte. C’est une inquiétude pour tout le monde. On ne connaît pas forcément les orientations et comment ça va être remplacé. C’est un outil à disposition des territoires qui leur permet d’ajuster par moment l’activité. Nous l’enlever, ça veut dire que nous n’aurons plus cet outil pour lutter contre l’inflation et la vie chère. Nous définissons sur le territoire quels sont les produits de première nécessité, les plus urgents à accompagner. Ça nous permet aussi de revoir à la hausse certains produits quand nous considérons que leur utilisation n’est pas favorable au développement, par exemple les tôles pour la construction des cases. L’autre inquiétude pour l’ensemble des collectivités, c’est qu’aujourd’hui l’octroi de mer est une recette dynamique, elle progresse. Si on nous l’enlève, quelle compensation sera mise en place ? Le dernier souci, c’est que l’octroi de mer a pour rôle de protéger la production locale. Aujourd’hui le travail continue, il n’y a pas une décision ferme du gouvernement.

FMM : Les millions d’euros sur les aides sociales à l’enfance et sur le logement, ce n’est pas ce que voulaient les Mahorais, qu’ils voulaient la piste longue et la convergence sociale tout de suite. Que pensez-vous de la prise de position politique très engagée et cohérente de nos deux parlementaires ?
BIO : Les Mahorais considèrent que les aides sociales à l’enfance et le logement ne profitent pas directement aux Mahorais. C’est le sentiment général. Il y a cette bataille que nous menons et nous l’avons bien soulevé pendant les discussions que nous avons eues avec l’équipe ministérielle pour prioriser la convergence des droits. Les Mahorais, c’est leur revendication première. Nous, on entend beaucoup de dates. Je l’ai encore entendu, Paris parle de 2031 pour une convergence. La demande du territoire est que la convergence soit réalisée dans le cadre de la mandature du président de la République actuel, c’est-à-dire d’ici 2027 et surtout qu’il y ait un échéancier très clair. Nous demandons aussi l’accompagnement plutôt de l’aide aux personnes âgées, parce que c’est une vraie nécessité. Quand les Mahorais partent au travail, ils ont de plus en plus de difficulté pour s’occuper de leurs parents. Les élus et les grands élus du territoire, nous parlons d’une même voix et nous portons ensemble les revendications du territoire. Bruno Lemaire comprend ces revendications du territoire en disant qu’il faut penser à garder le Mahorais à Mayotte, mais aujourd’hui la politique qui est mise en place est plutôt au remplacement de la population.

FMM : Quels sont les échos que vous avez obtenus sur la transformation du conseil départemental en conseil régional ?
BIO : Je crois que les ministres s’inscrivent dans la logique de la réorganisation de notre institution, de la montée en compétence de la partie régionale et que l’on ne soit pas une collectivité unique connue pour son côté départemental. La réforme du scrutin n’est pas forcément la priorité absolue pour moi, c’est plutôt une reconnaissance pleine et entière de notre compétence régionale. Le développement dépend plutôt des dotations régionales.

FMM : Vous avez dit non à la première version de la Loi Mayotte. Est-ce que vous avez obtenu la garantie que cette version 2 ressemblera à ce que Mayotte et les Mahorais attendent ?
BIO : Je n’ai pas de garanties, mais je suis très optimiste à ce sujet-là parce que nous avons remonté les besoins du territoire. Je crois que si le travail est mené correctement, il n’y aura pas de souci. Quel que soit le document qui me sera remis au final, il sera présenté aux forces vives du territoire, pour qu’ensemble, une position soit claire. La contribution que nous avons portée, nous n’en faisons pas un Coran ou une Bible. On l’a remonté, ils le retravaillent, ils font leurs propositions. J’ose espérer que les Mahorais puissent parler d’une même voix, c’est ce qui nous donne de la crédibilité. Si nous allons dans des réunions pour nous contredire, ce sera une difficulté pour nous.

FMM : Ça fait 15ans qu’un Premier ministre n’est pas venu à Mayotte. Qu’est-ce que vous allez dire et demander à Elisabeth Borne ?
BIO : On a pas mal de sujets chez nous. Ça sera pour elle, l’occasion de s’imprégner des sujets du territoire. Il y en a beaucoup. Il y a l’eau, le stade de Cavani. On espère qu’elle visitera le territoire, qu’elle ira vers les Mahorais. Les sujets restent les mêmes, le projet Loi Mayotte, l’eau, la mobilité, le développement du territoire et la convergence des droits que nous revendiquons. Nous avons déjà eu l’occasion de lui exposer toutes nos difficultés, là ce sera l’occasion pour elle de s’imprégner de tous ces sujets en discutant avec les Mahorais.

FMM : Quand est-ce que vous allez vous occuper de la situation du camp de migrants de Cavani ?
BIO : C’est un vrai sujet pour nous. Nous travaillons là-dessus avec nos avocats et main dans la main avec la mairie de Mamoudzou. Nous avons saisi le préfet, le ministre, Philippe Vigier. Notre avocat est en train de préparer un référé. Ça ne peut pas se faire tout seul, nous avons besoin de tout le monde, de la ligue de football. Il faut que nous arrivions à démontrer techniquement la gêne de ces personnes sur le territoire. Nous sommes dans le cadre d’une règle purement juridiquement, il faut que tout le monde aujourd’hui puisse s’inscrire dans cette logique-là, ce qui n’est pas le cas pour le moment.

Propos recueillis par Anthony Maltret
France Mayotte matin

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