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Dans un courrier du 19 juin qu’il adresse Edouard Philippe, le président du Conseil départemental Soibahadine Ibrahim Ramadani attire l’attention du premier ministere sur les mesures de prolongation de l’état d’urgence sanitaire à Mayotte jusqu’au 30 octobre prochain, « alors même que la situation sanitaire s’améliore, de l’avis éclairé de l’Agence régionale de santé ».
« Cette décision, si elle devait être confirmée, est un coup très dur porté à Mayotte, à un moment où il est pourtant primordial – et je m’attache au quotidien à agir en ce sens – de relancer l’économie locale et le tourisme très durement affectés par la crise sanitaire, économique et sociale liée au Covid-19 » note le président, pour qui « Mayotte ne peut se permettre de subir cette double peine imposée : celle de la pandémie du Covid-19, à laquelle viennent désormais se greffer des mesures très pénalisantes en termes de transport aérien, d’activité économique, conduisant à l’isolement de l’île ».
Le président du Département rappelle que « Mme Girardin, la Ministre des Outre-Mer, a pu se rendre compte sur place, lors de sa récente venue, de la situation très fragile de notre territoire compte tenu des effets dévastateurs de cette crise, dans un contexte déjà complexe ».
Il rappelle aussi n’avoir eu de cesse, à l’échelle du Conseil départemental, en lien étroit avec le représentant de l’Etat et les autorités sanitaires, que de prendre des mesures fortes pour limiter autant que possible les impacts de cette crise : commandes de masques pour toute la population, distribution de colis alimentaires, aides économiques d’ampleur…
Soucieux des impacts de la crise sanitaire sur le secteur stratégique du tourisme, Il cite les principaux résultats d’une « étude », conduite par l’ADIM en lien avec le Comité départemental du tourisme, le MEDEF, la CCI et l’UMIH auprès de 75 entreprises du tourisme de l’hébergement marchand et de la restauration de Mayotte.
Entre mars 2019 et mars 2020, les entreprises interrogées ont par exemple perdu 60,6 % de leur chiffre d’affaires…
« Ces chiffres sont alarmants et nous n’avons donc pas besoin de mesures qui viennent aggraver encore cette situation. Dans les semaines à venir, le Département doit annoncer un plan de relance pour les secteurs du tourisme, de la restauration et de l’hébergement » indique le président, qui ne saurait «accepter des décisions qui affaiblissent un peu plus Mayotte à un moment où nous devons retrouver de la confiance et de la sérénité ».
Le président rappelle avoir insisté lors d’une visioconférence le 30 avril auprès du Chef de l’Etat, Emmanuel Macron, « sur la nécessité de réponses adaptées à la situation spécifique de Mayotte et de sa population, département le plus pauvre de France qui se trouve confronté à une situation sanitaire et sociale très tendue ».
Il réitère donc sa demande « pour que soit actée la reprise des vols commerciaux sans mesures pénalisantes (de type quatorzaine) pour les ressortissants de Mayotte en métropole comme à la Réunion, mais aussi dans le sens inverse. Je souhaite que des signaux positifs soit envoyés, ce qui n’est pas le cas avec cette prolongation de l’état d’urgence, véritable catastrophe en termes d’image pour notre territoire » précise-t-il.
Le président écrit que « Mayotte a besoin que les investisseurs puissent venir, que les projets touristiques puissent être menés à bien, et que les visiteurs puissent accéder à cette destination ».
Et le chef de l’exécutif départemental de s’interroger : « Comment comprendre une position à géométrie variable dans laquelle les élections municipales sont autorisées ici, dans laquelle on évoque une situation sanitaire en bonne voie, mais avec des mesures qui semblent suggérer le contraire ? Comment comprendre que dans la région Grand Est, très durement touchée, on puisse aujourd’hui se déplacer sans aucune restriction ni contrainte, ce qui n’est à ce jour pas le cas à Mayotte ? ».
Rappelant que le Conseil départemental a relayé, par tous les moyens, des consignes de prudence depuis le début de cette crise, le président souhaite que « les décrets qui seront adoptés ne comportent pas de mesures excessives et qu’une position claire soit adoptée quant aux vols commerciaux vers et depuis la Métropole et la Réunion ».
« Nous sommes aujourd’hui dans une période où des fonctionnaires, des familles doivent rejoindre la métropole, La Réunion ou Mayotte, et je crains des troubles ou des mouvements sociaux si une position d’équilibre n’était pas rapidement trouvée » conclut le président dans ce courrier, dont une copie a été transmise à la ministre des Outre-Mer, au Préfet de Mayotte, aux parlementaires locaux, au président de l’association des maires de Mayotte ainsi qu’à la directrice de l’ARS Dominique Voynet.