Il a 22 ans, il est policier, il entretient une relation amoureuse avec une jeune fille de 14 ans. Ils habitent tous les deux dans le même quartier à Mamoudzou. Un soir de la semaine dernière, alors qu’il est en service de nuit, il appelle la jeune fille pour qu’elle le rejoigne au commissariat à l’occasion de sa pause vers 11h. Ils se retrouvent dans le parking du commissariat. A partir de là les versions divergent, selon la jeune fille, il l’aurait contrainte à lui faire une fellation, elle ne voulait pas, ils étaient dehors, sur un parking. Il aurait cherché à la pénétrer, mais elle se débattant il n’y serait pas parvenu, la jeune fille affirme que le policier était sous l’emprise de l’alcool. Le policier évoque un rapport oral consenti par la jeune fille et reconnaît avoir bu une bière.
La jeune fille rentre chez elle et évoque la situation avec une amie puis avec sa famille. Une plainte est déposée mercredi 3 mars. Le policier est placé en garde à vue le 3 mars. Une information judiciaire est ouverte le même jour, les auditions des personnes concernées commencent dès le 3. Le juge d’instruction commence l’enquête, les faits reprochés au policier sont un viol sur mineur de moins de 15 ans. L’âge de la jeune fille est une circonstance aggravante dans les faits reprochés au jeune policier. Au regard des premiers éléments de l’enquête, le juge d’instruction décide de mettre en examen l’adjoint de sécurité. Le mis en cause est présenté devant le juge de la liberté et des détentions, vendredi 5 mars.
Le juge d’instruction et le procureur demandent, dans cette procédure, un placement en détention. Le juge des libertés et des détentions ne suivra pas les magistrats. Le jeune policier sera remis en liberté en contrôle judiciaire le temps de l’enquête conduite par le juge d’instruction. Bien évidemment cette remise en liberté soulève un tollé, les uns et les autres parlent d’un traitement de faveur accordé au policier en raison de statut. Il est vrai que le mis en cause est soupçonné d’une affaire de viol sur une jeune fille de 14 ans, ce sont des faits très graves, même si à ce stade la présomption d’innocence est de mise.
Le Juge des Libertés et des détentions ne fonde pas ses décisions sur le fond du dossier. Il décide du placement ou non des prévenus en détention provisoire. Le droit français prévoit que la détention est l’exception. Il doit mesurer le risque de pression sur la victime, sur les personnes concernées par l’enquête. Il doit envisager les risques de fuite du suspect ainsi que le risque de trouble à l’ordre public. Dans les faits, les deux protagonistes habitent dans le même quartier, difficile de ne pas prendre en compte le risque réel de recherche de résolution du problème en dehors des tribunaux, la jeune fille n’a que 14 ans, c’est encore un enfant elle est par nature influençable…
Par ailleurs, la rumeur gonfle déjà sur un traitement de faveur dont aurait pu bénéficier le prévenu dans les conditions de sa garde à vue ou lors de sa présentation devant le juge. Le Procureur de la République, Yann le bris dément les passe-droits et explique que la plainte a été déposée le 3 avec un placement en garde à vue le 3 et un passage devant le JLD le 5 mars, « J’ai veillé à ce qu’il n’est pas de traitement de faveur, la garde à vue, les ententes dans l’urgence… Lorsqu’il a été déféré devant un juge d’instruction, au sein du tribunal il n’a pas eu de pas de régime de faveur, il était menotté en sortant du bureau du juge comme n’importe quelle autre justifiable. J’ai bien rappelé à l’escorte de lui mettre les menottes. » Pour Yann le Bris, les faits reprochés au jeune policier sont gravissimes, un viol sur une jeune fille de 14 ans. Au-delà des faits, c’est toute l’image de la police qui est entachée par cette affaire et par contagion c’est toute l’institution judiciaire qui est concernée.
Si la décision du juge des libertés et des détentions est souveraine, le procureur dispose du droit de faire appel de la décision et de demander un placement en détention provisoire du prévenu, c’est ce que Yann Le Bris a décidé. Pour lui, le risque de pression sur la jeune fille et sa famille dans le contexte culturel mahorais est réelle, la volonté de régler cette affaire en dehors de la sphère judiciaire existe bel et bien laissant la jeune fille à sa souffrance. Par ailleurs, la pression que pourrait exercer l’adjoint de sécurité sur son entourage professionnel pendant le temps de l’enquête est réel. Enfin dans le contexte actuel de Mayotte où les institutions judiciaire et policière sont sous pression face à l’insécurité et à une clémence relative ressentie pas la population, les troubles à l’ordre public ne peuvent pas être écartés. Souvenons-nous des manifestations devant le Palais de Justice l’an dernier lorsque 3 habitants de l’île étaient mis en cause pour s’être fait justice eux-mêmes, le procureur de l’époque avait fait l’objet d’injures.
L’appel quant à la liberté conditionnelle devrait être donc jugée dans les prochains jours. En parallèle, l’enquête se poursuit pour déterminer exactement les faits qui ont conduit la jeune fille à porter plainte. Le juge d’instruction aura donc une décision très importante à prendre à l’issue de l’enquête, il poursuivra le jeune policier pour viol sur une mineur de moins de 15 ans devant une cour d’assise ou classera sans suite. S’il est poursuivi, il risque 10 ans de prison sauf si son statut de policier est reconnu comme un facteur ayant pu influencer les faits. Alors, il encourrait, dans ce cas, une peine plus importante. En attendant, c’est toute l’institution judiciaire et policière qui sont sous le feu des projecteurs.
Un article d’Anne-Constance Onghena à retrouver dans l’édition du lundi 8 mars de France Mayotte Matin.