Après les caillassages des fonctionnaires de police et de gendarmerie, les délinquants prennent aussi à partie les ambulances et les sapeurs-pompiers, victimes de violences durant leurs interventions.
« C’est devenu un sport de nous caillasser », déclarait avec regret Jean-François Dépit, capitaine de gendarmerie, dans l’édition de France Mayotte Matin datant du jeudi 11 février 2021. Mais les services de gendarmerie et de police ne sont pas les seules victimes de la violence aveugle des bandes de délinquants sévissant sur l’île au lagon. Encore ce week-end, une ambulance du CHM était assaillie par les jeunes sur le pont de Dzoumogné. C’est la même histoire qui se répète de plus en plus pour les sapeurs-pompiers de Mayotte. « Ce phénomène touche Dzoumogné, Combani ou encore Mamoudzou, témoigne Ahmed Allaoui, sapeur-pompier et syndicaliste. Le danger est partout. On nous caillasse souvent, même si ça ne reste que des vitres brisées par des pierres ou des bouteilles pour le moment. Mais le montant des réparations est conséquent. »
Plus que les dommages matériels, ou parfois physiques, que peuvent engendrer les agressions des jeunes délinquants de Mayotte, ce sont les séquelles psychologiques qui affectent aussi les sapeurs-pompiers. « C’est sûr que ça joue sur le moral des troupes, surtout quand le souvenir est frais, affirme M. Allaoui. Par exemple, la dernière fois, nous n’avons pas pu intervenir à Kawéni parce que nous avions peur des délinquants. Nous avons été obligés d’attendre la police. Pire, le temps perdu sur l’intervention nous a été reproché par un individu, qui s’est énervé et nous a suivi jusqu’à la caserne ! » Des propos surréalistes, et pourtant bien tangibles, qui amènent à vouloir comprendre les motivations obscures des voyous, paraissant dépourvus de toute conscience.
« L’État a échoué dans l’intégration de cette génération »
Loin d’être justifiable, la violence des délinquants envers les forces de l’ordre est vaguement compréhensible, si les uns considèrent les autres comme des ennemis. Mais qu’en est-il alors des pompiers et des soignants, qui interviennent pour porter secours à leurs pairs ? Lucide, Ahmed Allaoui nous livre son avis : « Les jeunes de Mayotte attaquent tous les symboles de l’État. Celui-ci a échoué dans l’intégration de cette génération ». Cette prise de recul, bénéfique à la réflexion, amène une réponse à la défiance, voire à la violence, de la population mahoraise envers les fonctionnaires, surtout de la part de sa frange la plus jeune. Le sentiment d’être délaissés par la République conduirait ainsi les délinquants du 101ème département français à s’en prendre au Samu, aux ambulances du CHM ou aux sapeurs-pompiers, qui deviennent les « cibles » privilégiées de leur colère contre l’État.
Mais, s’il est désabusé par la situation, Ahmed Allaoui n’en est pas pour autant abattu, et ne perd pas une once de motivation pour sa mission : « J’aime mon métier, et je suis persuadé qu’il est utile et nécessaire pour la société. Et puis, j’ai été formé pour me relever, et y aller encore ! C’est sûr qu’on est déçus, mais on ne va pas s’éterniser là-dessus ». Des paroles positives et pleines de bon sens qui tranchent avec une vision manichéiste trop souvent partagée sur les réseaux sociaux, par des personnes qui réagissent bien témérairement à des faits sans pour autant en chercher les causes réelles. Quant aux policiers, gendarmes, pompiers, soignants et autres ambulanciers, ils continuent leur labeur, dans des conditions parfois déplorables, souffrant d’un manque profond de considération, taxés de laxistes, incompétents, absents. Mais utiles, malgré tout.
Un article d’Axel Nodinot à retrouver dans le France Mayotte matin d’aujourd’hui, 18 février 2021.