Vendredi 19 novembre, la Société Mahoraise des Eaux (SMAE) a informé la population qu’un taux de manganèse plus élevé que d’habitude était présent dans la retenue collinaire de Dzoumogné depuis quelques jours. La station de traitement d’eau potable de Bouyouni n’étant pas équipée d’un dispositif de traitement du manganèse, le taux de celui-ci est supérieur à la référence qualité en sortie de l’usine et sur plusieurs villages. Depuis, de nombreuses rumeurs circulent sur la mauvaise qualité de l’eau.
Mais quels sont les risques et quelles sont les précautions à prendre face à ce taux élevé de manganèse ? Quelles sont les teneurs en manganèse actuellement mesurées dans l’eau potable ?
Les teneurs en manganèse retrouvées dans les eaux distribuées dans les villages concernés sont au-delà de la valeur maximale admissible fixée par l’ANSES à 60 µg/l. Les dernières analyses de l’auto surveillance de la SMAE en date du 22 novembre font état de valeurs comprises entre 13 µg/l et 106 µg/l. La teneur en manganèse dans l’eau distribuée sur ces villages est actuellement en baisse, du fait d’un mélange de l’eau de la retenue de Dzoumogné avec d’autres eaux faiblement concentrées en manganèse. Au regard de ces teneurs, le communiqué de restriction des usages de l’eau du robinet n’a concerné que les enfants de 0 à 4 ans.
Qu’est-ce que le manganèse ? Est-ce dangereux pour la santé ?
Le manganèse constitue l’un des minéraux les plus abondants dans l’environnement. C’est un oligo-élément essentiel au fonctionnement du corps humain. L’air, l’eau et le sol peuvent être source d’exposition au manganèse, mais il est reconnu que les aliments constituent le principal apport (les grains entiers, le thé, les noix et les légumes sont les sources les plus importantes). Par exemple, une portion d’ananas (82 g) contient environ 800 µg de manganèse. Une tasse de thé peut en contenir jusqu’à 500 µg. Les jeunes enfants et les nourrissons sont plus sensibles au manganèse en excès dans l’eau car ils consomment plus d’eau proportionnellement à leur poids, et l’éliminent moins facilement. Les nourrissons représentent la population la plus à risque, en particulier s’ils sont alimentés exclusivement au biberon à partir de préparations commerciales reconstituées avec de l’eau du robinet présentant des concentrations élevées en manganèse. D’autres personnes ayant des conditions qui favorisent l’absorption du manganèse ou affectent son élimination pourraient également être sensibles à un excès de manganèse (aliments, suppléments ou eau potable) comme les personnes atteintes de maladies ou de malformations hépatiques et les personnes anémiques.
Chez les enfants, certains effets ont pu être relevés (effets sur le QI, comportement, performance scolaire, mémoire à court terme, dextérité motrice, souplesse cognitive, etc.). L’action du manganèse en excès se situe essentiellement au niveau du système respiratoire et du cerveau (hallucinations, manque de mémoire, problèmes aux nerfs). L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a fixé une valeur protectrice pour l’ensemble de la population de 60 µg/l, se basant sur la valeur de référence pour les enfants de 0-4 ans. A titre d’exemple, pour les enfants de 4-7 ans, cette valeur de référence est de 190 µg/l.
La référence de qualité du code de la santé publique est fixée à 50 µg/l (référence établie sur la base de considérations essentiellement organoleptiques). L’Organisation Mondiale de la Santé, quant à elle, recommande une concentration seuil de 400 µg/l dans l’eau potable. Comment expliquer cet excès de manganèse dans l’eau ? Cette période de vidange et de baisse du taux d’oxygène dans l’eau des retenues collinaires permet au manganèse piégé dans les sédiments d’être libéré sous forme soluble dans l’eau. Le traitement en place actuellement ne permet pas de retenir le manganèse au niveau de l’usine de production, ce qui entraine des concentrations au-delà des références de qualité sur l’eau distribuée. La présence de manganèse dans l’eau, même à de très faibles concentrations, associée aux épisodes des coupures d’eau, explique la coloration de l’eau (brun/rouille) actuellement desservie par certains réseaux à Mayotte.