10h45 : Le président du Conseil départemental qui était parti avec sa délégation pour aller chercher le nouveau Boeing 787, de Air Austral à Seatle. Mahdia Benhamla journaliste pour ipreunion a réalisée une interview de lui depuis Seatle :
M. Soibahadine Ibrahim Ramadani, vous êtes loin de votre île..
Loin, c’est vrai mais, avec cet appareil ( le Boeing 787-800 acquis par la compagnie Air Austral, prévoyant de relier Mayotte à Paris) on sera tout prêt, comme d’autres qui l’on précédé, les 777 – 300 et 777 – 200 avant cela. Cela raccourcit les distances et ça rapproche les hommes et les femmes…
Il se passe actuellement chez vous des choses graves. Des expulsions, pression palpable liée à l’immigration… Qu’en pensez-vous ?
Il est certain que la crise sociale aiguë que traverse Mayotte aujourd’hui, à travers la montée de la délinquance juvénile, qui est liée en grande partie à une immigration clandestine mal contrôlée, fait que notre île est dans une situation difficile.
J’ai bon espoir qu’avec l’arrivée du nouveau préfet ( Frédéric Veau, anciennement conseiller technique chargé de l’administration territoriale, des collectivités locales et de l’outre-mer de juillet 2009 à mars 2012 sous le gouvernement Sarkozy. Il a notamment travaillé sur le projet « Mayotte département ». Il serait également un spécialiste de l’immigration et de la sécurité – ndlr) qui coïncide avec la prochaine annonce par le gouvernement d’un plan global de sécurité et de lutte contre l’immigration annoncé dès ce jeudi. J’ai bon espoir que cela contribuera à amener l’Etat à jouer pleinement son rôle, sa mission régalienne : assurer la sécurité de nos biens et de nos population et lutter beaucoup plus efficacement encore l’immigration clandestine.
N’est-il pas déjà trop tard ?
Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Il est vrai qu’il y a de jeunes populations importantes qui sont présente sur le territoire. Je pense que si le tri est fait, avec le renforcement des effectifs annoncés au sein de ceux même qui sont déjà sur le territoire, et que par ailleurs, on lutte contre les entrées venant d’Anjouan, de Madagascar ou de l’Afrique de l’Est, je pense que cela pourra contribuer en tout cas à réduire la pression au sein de notre population.
Vous avez déjà réfléchi à des solutions quelles sont les orientations qu’il faudrait prendre pour arriver à redresser la situation à Mayotte ?
Je pense qu’il n’y a pas de solution miracle. Mais si déjà, l’Etat, prenant toute la mesure de la gravité de cette situation, y mettait les moyens humains, mais également les moyens techniques, comme par exemple la présence dans la zone des FAZSOI (Forces armées de la zone Sud de l’océan Indien ), cela serait déjà important en matière de surveillance de la frontière maritime. Cela doublé avec les effectifs terrestres – nous avons déjà les radars – il faut maintenant identifier ceux qui rentrent et ceux qui sortent. Anjouan est à 80 kilomètres, nous y voyons passer les voitures là-bas. A priori nous devrions plus facilement identifier ceux qui rentrent de façon clandestine.
Vous avez peur pour votre île ?
Il n’y a pas que moi. Je pense que toute la population de Mayotte en ce moment, étant dans une très grande insécurité, a peur. Elle demande à être rassurée. Le premier élément qui contribuera à réduire cette pression et cette peur est une présence forte des forces de sécurité de l’Etat et évidemment l’Etat tout seul n’y arrivera pas. Il faut aussi une meilleure coordination avec les autorités locales. Avec les mares et le conseil départemental…
Avez-vous l’impression que l’Etat ne vous entend ou ne vous écoute pas ?
En tout cas, si l’on en juge par ce qui s’est passé jusqu’à présent, l’action de l’Etat reste relativement inefficace. C’est la raison pour laquelle toutes les collectivités locales, mairies et département, coordonnent leurs actions sous la direction de l’Etat, parce que les collectivités locales voient entrer et sortir nos voisins et les connaissent, mais on ne peut pas faire nous-même le travail de la police. Cela revient à l’Etat, mais on peut l’aider à repérer, à identifier.
Qu’est-ce que vous inspirent ces expulsions de personnes parfois en situation régulière ?
La première des choses à laquelle on pense, c’est que l’Etat est dépassé. Les populations sont excédées par les vols à répétition, par la dérive criminelle qu’on a connue ces derniers temps avec la mort de Frédéric d’Achery ( ancien maire de Koungou de 1983 à 1995 dans le nord de Mayotte, et ancien conseiller général, est mort mercredi 3 mai 2016. Il avait été agressé quelques jours avant son décès – ndlr ) et tant d’autres. La population est excédée, elle a le sentiment d’être abandonnée à elle-même… La réaction de quelqu’un qui est envahi, c’est de faire en sorte d’identifier les envahisseurs et de les mettre hors de leur territoire. Il va s’en dire que ce n’est pas la solution souhaitable dans un Etat de droit.
Fallait-il que vous veniez à Seattle tandis que Mayotte est dans une telle situation ?
Absolument, à chaque chose suffit sa peine. En ce qui me concerne, j’ai été donc invité avec ma délégation par Air austral pour convoyer ce premier appareil 787-800 dédié à la desserte aérienne directe Mayotte-Paris. C’est un évènement qu’on ne pouvait pas manquer. Pendant ce temps, mes collaborateurs à Mayotte, travaillent à résoudre ce qui se passe localement. Je suis seul, mais en tant qu’élu, je représente tout le département. A mon avis, c’était indispensable puisque ça fait déjà 30 ans que nous attendons cet évènement, on ne pouvait pas le manquer.