À Mayotte, la défense de l’environnement suscite des tensions croissantes. L’association « Les Naturalistes de Mayotte », chargée de protéger les tortues marines sur le site de Saziley, se heurte à l’opposition des riverains et d’autres associations locales. Un conflit de plus en plus vif, notamment à l’approche des élections municipales, met en péril la préservation de ce patrimoine naturel unique.
La défense de l’environnement à Mayotte est un sujet à fort enjeu. On ne peut pas être le 34e hotspot de biodiversité au monde et penser qu’il n’y a pas d’efforts à faire pour mettre en valeur le patrimoine naturel exceptionnel de l’île. À ce titre, parfois, la cohabitation entre les habitants et les associations qui protègent la faune et la flore ne se passe pas au mieux. C’est l’amère expérience que sont en train de faire Les Naturalistes de Mayotte sur leur emblématique site de Saziley.
Depuis de nombreuses années maintenant, l’association s’est spécialisée dans la protection des tortues marines et a investi le site de Saziley pour protéger la ponte des tortues marines. Il s’agit, en effet, du 2e site de l’océan Indien pour la ponte des tortues. Au fur et à mesure des années, les usages de ces espaces exceptionnels se sont réduits pour les habitants, ce qui n’est pas toujours bien vécu par les riverains. Depuis plusieurs années, un arrêté préfectoral de protection du biotope a été pris, ce qui, en théorie, empêche la population d’occuper les plages la nuit pour permettre aux tortues marines de venir pondre en toute tranquillité. La navigation dans le lagon y est aussi encadrée. Le pacte tortue a été renouvelé, sanctuarisant une nouvelle fois la présence des Naturalistes de Mayotte sur l’emprise de Saziley, ce qui n’est pas du goût des associations locales qui auraient sûrement aimé être associées à ce pacte, au point qu’aujourd’hui, la cohabitation entre les différentes structures se complique. Les Naturalistes de Mayotte ont été contraints, la semaine dernière, d’annuler le bivouac de suivi et de découverte organisé tous les week-ends sur le site. Certaines associations considèrent que les Naturalistes privatisent à leur avantage Saziley et privent les habitants et les propriétaires de l’usage et de la jouissance de leurs parcelles sur la presqu’île.
Du côté des Naturalistes de Mayotte, la menace est prise très au sérieux. L’association regrette que ces arrêtés n’aient pas été suffisamment expliqués à la population. L’association se retrouve aujourd’hui dans une situation complexe, elle est considérée par la population comme responsable de ces privations de liberté.
Un rassemblement a d’ailleurs été organisé ce dimanche à Mtsamoudou par les collectifs et les associations pour exprimer le ras-le-bol. Dans les taxis, dans les espaces de vie publique de Bandrélé, le sujet de conversation n’en finit pas de faire couler de la salive… Les Naturalistes espèrent que les menaces dont ils sont l’objet ne resteront qu’orales. L’association dit prendre très au sérieux la situation. Elle a déjà eu, au début du mois de juillet, à constater avec inquiétude que les déchets qu’elle ramasse toutes les semaines sur les différentes plages, et qui sont évacués par la mer régulièrement, avaient été brûlés, ainsi qu’un des farés du site des bivouacs. L’ambiance est donc particulièrement tendue. Ainsi, en période préélectorale, les élus locaux auront-ils le courage d’aller contre les associations et les collectifs ? Pas certain que ce soient les tortues marines qui sortent gagnantes du bras de fer en cours…
Anne Constance Onghéna pour France Mayotte Matin