Le gouvernement par l’intermédiaire du ministre Béchu prépare un plan eau pour faire face à la sécheresse à venir en métropole. Selon les informations à notre disposition, ce plan ne prévoit pas de volet spécifique pour Mayotte où l’on manque cruellement d’eau, la sécheresse est déjà une réalité pour notre département. Les annonces faites hier par le ministre Carenco ont de quoi inquiéter.
Hier le ministre des Outre-mer, Jean-François Carenco a annoncé les mesures d’urgence qu’il comptait mettre en œuvre pour pallier notre problématique d’eau à Mayotte en spécifiant qu’une unité de dessalement de la sécurité civile allait dessaler 900 M3 d’eau par jour pour les plus démunis. Il a aussi annoncé être en négociation avec les principaux groupes de distribution pour que l’eau en bouteille soit vendue à prix coûtant pendant les 6 prochains mois.
Ces annonces laissent penser que Paris n’a pas connaissance de l’étendue des problèmes que nous traversons à Mayotte. Nous consommons en rythme de croisière actuellement aux environs de 3500 M3 d’eau par jour, les retenues collinaires sont vides. 900 M3 par jour c’est largement insuffisant pour répondre aux besoins de la population. Par ailleurs pourquoi flécher l’eau vers les plus démunis quand personne n’a de l’eau à Mayotte ? Est-ce à dire que les moins démunis devront se doucher à l’eau en bouteille ? et d’abord cela veut dire quoi être démuni dans un département où 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté ?
Les questions essentielles corollaires à cette pénurie d’eau n’ont pas été abordées par le ministre. Quand l’eau est coupée, les élèves sont renvoyés à la maison, entre lundi et mardi dans le grand Mamoudzou c’est-à-dire de Dembeni à Koungou en passant par la petite terre, tous les jours, les enfants ont été privés d’école à un moment de la journée. Quand l’eau manque, le rectorat est obligé de fermer les établissements scolaires pour des raisons sanitaires, les toilettes ne sont plus utilisables. Le rectorat cherche à installer des solutions pour créer des bassins de rétention d’eau afin de pouvoir les utiliser pour les toilettes en cas de coupure d’eau, sauf que la règlementation pour les ERP ne le permet pas. Voilà un sujet sur lequel nous aurions aimé entendre le ministre comment faire pour maintenir les établissements scolaires ouverts dans un département où 70% des enfants en 3ème ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux qui devraient être acquis en 6ème ? C’est ça la réalité de notre département. Fermer les écoles ne risque pas d’améliorer les statistiques…
Par ailleurs le ministre n’a pas parlé de la productivité et de la vie économique. Quand il y a une coupure d’eau et que les établissements ferment, les parents doivent aller chercher leurs enfants à l’école ce qui a un impact sur la productivité des entreprises. Quand l’eau est coupée pendant la journée, comment une entreprise peut offrir à ses salariés des conditions sanitaires acceptables notamment la disponibilité d’eau pour les toilettes ?
Voilà des questions très importantes sur lesquelles le ministre est attendu. Et surtout la plus importante comment le gouvernement va-t-il mettre à la disposition de la population 3500 M3 d’eau par jour ? L’accès à l’eau potable est un droit fondamental pour la population. L’accès à des conditions sanitaires dignes, c’est une compétence dévolue à l’Etat. Aujourd’hui, le gouvernement s’appuie sur un partenaire, les eaux de Mayotte partenaire qui ne peut répondre en raison de ses difficultés financières structurelles.
Plus largement, la prise de parole d’hier du ministre délégué chargé des Outre-mer dans l’enceinte de l’Assemblée nationale est assez inquiétante car elle questionne sur la bonne connaissance qu’à Paris des dossiers mahorais et ce à quelques semaines de Wuambushu et des émeutes qui vont les accompagner, il y a de quoi être inquiet.
Anne-Constance Onghéna
Article paru dans France Mayotte matin du Jeudi 30 mars 2023